La nuit sera longue au hameau des trois filles seules. Un lieu idéal pour les histoires de monstres cachés dans le placard des enfants et dont le nom pourrait très facilement se placer entre Pierre et le loup et Barbe-bleue.
♦♦♦ Histoires De La Nuit ♦♦♦
Dans un cercle resserré autour de la famille Bergogne, pas aussi classique qu’elle n’en donne l’impression, et leur voisine excentrique, plane une menace.
L’auteur nous emmène tout d’abord sur une sombre histoire de lettres anonymes et l’on attend la matérialisation de ce péril tapi dans les environs de ce hameau éloigné.
Mais finalement en une seule nuit saisissante, tout bascule vers l’autre bord, la maison d’en face.
Les phrases sont tellement longues qu’elles nous tiennent en haleine, du retour d’école d’Ida à la sidération des protagonistes que nous partageons avec eux. L’enfant porte un nom d’actrice italienne qui parait incongru en plein milieu de cette campagne perdue. Un nom lourd à porter qui ne fait pas son âge, décalé comme la situation que va vivre cette famille.
Nous restons suspendus à chaque réplique des personnages entrecoupée de description nous faisant passer de l’un à l’autre sans nous laisser le temps de reprendre notre souffle. L’auteur nous donne le don d’ubiquité et nous invite à vivre plusieurs vies. Nous n’avons eu aucune envie de nous arrêter en chemin, même s’il nous plonge dans un drame en rase campagne si vide et isolée que la violence est encore plus implacable. Et surtout au ralenti. Le lecteur n’a à aucun moment le loisir de fermer les yeux en espérant sombrer dans le sommeil. Le temps pris pour nous plonger dans le cadre, la situation, les atermoiements des personnages donnent une impression de slow motion, et par ricochet nous nous retrouvons pris au piège comme les protagonistes.
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« Le passé n’est jamais mort. Il n’est même pas passé » – Faulkner
En nous penchant un peu sur l’auteur, nous avons compris qu’une de ses inspirations était Faulkner et tout s’est éclairé! Ce dernier est l’une de nos révélations -tardives- de lectrice avec « Absalon! Absalon » où le temps est annihilé avec l’intrication des temporalités et une narration tortueuse. Ici le passé rattrape la famille Bergogne. Lorsque vient la nuit, les monstres tapis dans l’ombre sortent, le passé que l’on avait cru enterré ou même oublié ressurgit. En tant que lecteur nous attendons une explication mais l’on se retrouve pris dans un cercle, impuissant.
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La réalité est triste, sale et nous fait sentir bien seul. Aucun des personnages n’est glorieux et les enfants grandissent bien vite. En plus de 600 pages, l’auteur de façon magistrale nous emmène dans cette région que nous ne situons pas tout à fait sur le réseau de la SNCF. Pour cause, elle est encore plus enfoncée dans les limbes de la campagne française. Mauvignier nous tourmente une nuit entière. Mais on ne veut pas quitter les lieux de ce quotidien simple, dévasté en quelques heures.
Dans toutes les bonnes librairies, Histoires de la Nuit aux éditions de Minuit, 24€
♦♦♦ Bonus ♦♦♦
Dans un autre style, retrouvez une sublime oeuvre :
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Au début, j’ai été tentée… j’aime ces atmosphères de menace, de nuit, de secret… et puis j’ai vu 600 pages, Faulkner… j’ai eu peur d’être perdue, égarée, noyée, dans la nuit de l’incompréhension. J’aime quand on me donne des clefs, des faisceaux pour s’orienter… alors j’hésite encore ! Merci pour ce partage, je vais voir si je peux le feuilleter en librairie.
oui je peux comprendre, moi aussi il m’intimidait un peu mais on se laisse très vite happer par le récit, l’auteur a un réel talent pour captiver son lecteur. J’ai été réellement scotché par son style et son habilité à décrire un quotidien qui devient vite inquiétant. Bon et pour Faulkner c’est surtout la notion de temporalité dans la structure du récit car c’est beaucoup plus digeste à lire (nous concernant). Honnêtement je ne l’ai pas lâché dès les 1ères pages!