Nous vous emmenons à Gand, notre ville flamande fétiche, pour découvrir plus en détails des lieux fascinants : les béguinages. Ces lieux désormais touristiques, sont propres à la Belgique, même si on en retrouve certains en Allemagne et aux Pays-Bas. Cette belle balade ayant comme fil rouge ces 3 endroits vous permettra de sillonner et visiter la ville tout en ayant un contexte historique.
❂ Gand – Une Histoire de Béguinage ❂
La première fois que Mademoiselle s’est baladée dans le béguinage de Bruges, elle n’avait pas trop creusé l’histoire des lieux. Il en fut de même lors de la première visite de l’un des béguinages de Gand avec Monsieur Lui. Cette année, nous nous sommes penchés un peu plus sur ces communautés de femmes atypiques qui ont revêtu une certaine ambiguïté. Les béguinages flamands font à présent partie du patrimoine mondial de l’UNESCO, tant du fait de leur architecture spécifique que de l’utopie qu’ils représentaient.
❂ Qu’est ce qu’un Béguinage? ❂
Ah oui! Commençons par le commencement : Qu’est ce qu’un béguinage? Nous partions bille en tête sans même vous expliquer leur signification :-). Un béguinage est un lieu où vivent les béguines. Cela ne vous avance pas plus? Disons pour le moment que c’est un lotissement de maisons qui se dénotent tant par leur architecture que leur histoire.
Nous avons été intrigués par le mystère qui se dégageait de ces hameaux de maisons dans la ville. Toutes ces portes qui nous faisaient face. Comment vivaient les personnes derrière ces murs, comment étaient rythmées leurs journées… En se baladant dans les différents béguinages, nous nous demandions ce que pouvaient bien cacher ces murs qui nous séparait de ces bâtisses si singulières.
❂ Essai De Synthèse d’Une Utopie ❂
Comme à chaque fois qu’un élément de Gand nous titille, nous ne pouvons pas nous empêcher de creuser un peu plus le sujet en partant à la recherche d’informations.
Mais il n’est pas forcément évident de trouver des documents en français sur cette organisation atypique de communautés féminines d’origine flamande. Nous avons principalement collecté des informations à partir du site de l’UNESCO ainsi que de nos guides anciens.
Nous avons ainsi appris que ces communautés qui datent du Moyen-Age sont une curiosité de l’Europe du Nord, plus particulièrement de la Belgique et des Pays-Bas. Les béguinages étaient des lieux destinés aux femmes célibataires ou veuves, qu’elles soient religieuses ou laïques. Cela afin de leur permettre de vivre avec un minimum de sécurité, dans une certaine spiritualité. Elles ne prononçaient pas de voeux et leur engagement était révocable. Surtout elles semblaient mener une vie assez indépendante et jouir d’une certaine reconnaissance du fait de leur rôle culturel et social. Elles devaient bien sûr se conformer aux règles de vie de la communauté, notamment les couvre-feux, mais les possessions individuelles n’étaient pas bannies. Cependant elles devaient subvenir à leurs propres besoins. Nous n’avons pas encore trouvé de réponse à nos interrogations quant aux emplois occupés par les béguines.
Ces communautés semblent ainsi être tout à fait atypiques et modernes vu l’époque car elles semblaient assurer une forme d’indépendance aux femmes. D’où par ailleurs la suspicion dont elles pouvaient faire l’objet. Les institutions religieuses mais également les seigneurs de l’époque les ont cependant protégées.
On s’attendrait davantage à l’émergence de ce type de communautés à des époques plus récentes!
❂ Une Feeeeeeemme ❂
L’inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO permet ainsi de retracer leur histoire et d’accéder à une cartographie. Mais il faut avouer que l’on reste un peu sur notre faim. Il y a, sans doute, plus d’informations en flamand. Il faut signaler en marge des ouvrages historiques quand même un livre de Julia Kristeva (« Seule, une femme ») qui évoque les béguines en s’interrogeant notamment sur la place dévolue aux femmes.
On peut cependant questionner une certaine ambiguïté. On pourrait peut-être y voir un enfermement pour les femmes. Du fait de leur statut et mode de vie particulier, cela pourrait être interprété comme une forme d’ostracisme ou une mise à l’écart de la société. Mais en même temps, ces communautés ont assuré un statut indépendant aux femmes non mariées et une certaine sécurité au vu de l’époque.
❂ 3 Lieux – 3 Ambiances ❂
Au-delà des aspects historiques, c’est une belle promenade que nous vous proposons. 3 lieux au calme reposant, évocateurs d’une époque révolue. C’est assez amusant de voir le contraste entre les quartiers bouillonnants tels que le Graslei et l’atmosphère paisible des béguinages.
La ville de Gand – qui fut l’une des premières villes à accueillir des béguinages – permet de faire un voyage dans le temps. Cela du fait du soin dont bénéficient les bâtiments mais aussi du calme des lieux. Nous avons pratiquement été seuls lors de nos balades! Nous avions l’impression d’assister à un arrêt sur image, dans le temps à 2 époques différentes.
À Gand, il reste 3 vestiges de béguinages qui sont petit à petit restaurés et habités. Chacun est imprégné d’une ambiance particulière et cela pour plusieurs raisons. Dans un premier temps pour des raisons d’emplacement et d’architecture puis dans un second temps en conséquence des vicissitudes de leur histoire personnelle.
On peut distinguer 2 types de béguinages à Gand qui ne datent pas de la même époque.
Il n’a par conséquent pas été fait appel aux mêmes matériaux et le style architectural diffère. Cependant leur organisation demeure la même, avec la reproduction d’une ville, délimitée en général par une enceinte et fermée par une porte ou un portique. Il y a une volonté de marquer une frontière avec le monde extérieur.
On retrouve une construction géométrique avec un centre et un préau ou un pré autour duquel vont s’élever les édifices religieux et privés. On y trouve une infirmerie, une église, des couvents pour les aspirantes béguines et des maisons pour les béguines plus âgées. Cette structure géométrique simple (vue comme fonctionnelle) est parfois considérée comme le précurseur des cités ouvrières et autres systèmes de vie communautaires.
❂ Le Béguinage de Sint Elisabeth ❂
Appelé aussi du Brouc ou Marais, car il fut construit sur un marais, ce fut le premier béguinage érigé à Gand au 13ème siècle. Il connut un fort rayonnement puisqu’il y eut jusqu’à 800 béguines qui baladèrent leurs cornettes blanches dans les lieux.
Il connaîtra de sombres heures, suite à la révolution française. Enfin, chassées par la municipalité gantoise au 19eme siècle, les béguines devront déménager dans un nouveau béguinage édifié grâce au soutien financier du duc d’Arenberg.
« Empreint toujours d’une atmosphère conventuelle, l’ensemble est exquis avec ses demeures basses, proprettes et riantes, tour à tour précédés d’un jardinet ou encloses, aux portes basses pourvues de heurtoirs » , selon Henry Hymans, dans son ouvrage paru en 1906 sur les villes d’art célèbres.
On n’est pas loin de cette ambiance, plus d’un siècle plus tard… La plupart des maisons sont rénovées et habitées, d’autres sont encore en travaux. C’est toujours selon les mots du même auteur « un lieu de refuge et de médiation », un havre de paix, pas éloigné du centre historique mais curieusement/heureusement délaissé par les touristes.
Et la statue du poète Georges Rodenbach trône toujours face à l’Église. On est cependant loin de l’architecture d’époque puisque les murs d’enceinte et le portique d’entrée ont été abattus.
❂ Le Petit Béguinage de Notre-Dame Ter Hoyen ❂
Un des plus anciens et notre préféré. Celui également où nous avons traînés nos guêtres, dans la boue, la première fois. Et pour cause, émanation de son passé, il a été construit sur une prairie « Hoyen ou de groene Ooie » (soit « prairies vertes »).
Erigé également au 13ème siècle, il connaîtra un meilleur sort que le béguinage de St Elisabeth (toujours grâce au duc d’Arenberg). Mais il sera néanmoins vendu au début du 20ème siècle. Il se compose, outre ses maisonnettes toutes pimpantes à présent aux murs blancs, reconstruites au 18eme et 19eme siècle, d’une église et d’une chapelle. Celle-ci dédiée à Sainte-Godelieve était un lieu de pèlerinage assez fréquenté.
Une de ses portes d’entrée est toujours debout. Il est encore en bel état. Certaines maisons sont à présent habitées. Situé au sud de la ville, il se trouve au détour de la rue au nom poétique de Lange Violettestraat, « rue Longue-des-violettes ».
Toujours en 1906, les lieux étaient ainsi décrits par H.Hymans: » Deux cent cinquante-trois maisons basses, aux gracieuses façades en briques, aux fenêtres à petits croisillons, s’alignent, pour la plupart, autour d’une vaste pelouse, où pâturent les vaches de la communauté ». Même si les vaches sont depuis longtemps aller brouter ailleurs, l’ambiance monacale persiste. On croirait presqu’entendre des béguines murmurer au détour des allées…
Caché et mystérieux, ce lieu a un certain charme. Selon l’heure de la journée, une belle lumière lui donnera un air d’autant plus fascinant. L’endroit est lumineux et a une ambiance zen et apaisante.
❂ Le Béguinage de Mont Saint-Amand ❂
D’une facture totalement différente des deux précédents, il est le plus récent des béguinages de Gand. Il fut érigé grâce à l’homme providentiel des béguines de Gand : le duc d’Arenberg. Ce dernier, en effet, permit aux béguines de retrouver un toit après la main mise sur leur logement par la municipalité de Gand. Il lui est d’ailleurs rendu hommage en tête de l’Église. Il faut s’imaginer la procession du 29 Septembre 1874, jour où les béguines quittèrent l’ancien béguinage (Sainte Élisabeth). Elles auraient été conduites par des dames de la haute société, sous escorte de la foule, dans leurs nouveaux foyers. Cela pour leur rendre hommage!
A l’entrée du béguinage, les briques foncées tirant sur le noir confèrent à ce béguinage une ambiance très austère et froide. Ajoutez à cela un temps maussade, et vous vous retrouvez alors dans une atmosphère pesante. Mais cela reste une balade tout à fait intéressante à faire. Heureusement avec une météo changeante, un soleil salvateur est venu égayer un peu les lieux avec une belle lumière chaude.
Construit sur commande il date de 1873. C’est une fusion du style classique des béguinages et de l’architecture néo-gothique. On est dans des briques sombres qui donnent une atmosphère plus froide et austère.
A Chaque Béguinage Son Saint
Dans les 3 béguinages, vous pourrez constater une alcôve à côté de chaque entrée de propriété. On retrouve dans les pignons cette petite niche qui accueille le saint ou la sainte chère à sa locataire. Certaines portes sont également ornées de judas assez travaillés et du nom donné à la maison. C’est d’ailleurs le cas dans les autres béguinages.
Lors de ces balades, nous étions dans une ambiance digne de la série « La servante écarlate ». Nous nous attendions presque à voir sortir une béguine, en faille flamande noire et coiffée d’une cornette en lin blanche. En dehors du code couleur qui varie peut-être que l’auteur Margaret Atwood s’en est inspiré?
Nous vous laissons avec la belle atmosphère de notre béguinage préféré :
❂ Bonus ❂
Après les béguinages, nous vous proposons de découvrir d’autres curiosités de Gand
Après cette balade, si vous alliez vous sustenter chez
Le Botaniste – Une belle adresse où l’on mange bien
Pour ne pas louper nos prochaines escapades, n’hésitez pas à nous suivre sur notre page Facebook ou sur Instagram
https://www.facebook.com/lechameaubleu.blog/
https://www.instagram.com/lechameaubleu/
Informations PratiquesL’entrée est bien sûr gratuite, il faut veiller à respecter cependant l’intimité des personnes qui y habitent Le Béguinage St Elisabeth: Rabot straat 9 Le Petit béguinage:Lange Violettestraat 235 Ouvert de 6h30 à 22h Le Grand béguinage (Mont Saint Amand): Groot Begijhof 67, ouvert de 6h30 à 21h30 |
Très bel article et très belles photos ! Depuis que je réside à Gand, je me suis prise de passion pour les béguinages qui, remis dans le contexte de l’époque, étaient une forme de vie en communauté fort moderne ! Pour répondre à votre interrogation concernant les revenus des béguines, beaucoup d’entre elles étaient d’origine bourgeoise et avaient déjà un petit pécule avec elles au moment d’entrer au béguinage. Les plus riches vivaient dans une maison indépendant et avaient leur propre atelier, et les plus pauvres vivaient dans des maisons communes. Certaines avaient également un niveau d’instruction suffisamment élevé pour proposer leurs « services » d’enseignement religieux. La plupart étaient financièrement émancipées et travaillaient d’une façon ou d’une autre, généralement en effectuant des travaux d’artisanat comme le tissage ou la poterie. Certaines travaillaient comme blanchisseuses ou même comme employées de ferme, infirmières ou domestique ! Je fais collection de cartes postales anciennes et sur certaines d’entre elles, on voit qu’elles travaillaient dans des ateliers de couture et de fabrication de bougies (mais les photos datent évidemment de la « fin » de l’époque des béguines). Si vous ne l’avez pas encore visité, je vous recommande le béguinage de Louvain (préférablement au printemps ou en été car il est très fleuri). Si les béguinages de Gand ont été extraordinairement restaurés, celui de Louvain est à couper le souffle et peut-être même encore plus beau que ceux de Gand. Je vais maintenant visiter le reste de votre blog qui a l’air magnifique. 🙂
Merci beaucoup pour ton message et toutes ces informations! Et on est ravis d’avoir trouvé une autre fan des béguinages! En se penchant sur leur histoire on a trouvé cela fascinant et c’est assez méconnu. On a du mal à trouver des informations en français…as-tu des ouvrages à nous conseiller? mais peut-être que tu parles flamand? 🙂
Dans tous les cas tu nous donnes envie d’aller à Louvain au printemps!
Hello, ça m’a l’air d’être une très belle ville !